Roberto Fonseca fait partie de ces gens chez qui on pourrait deviner pourquoi la vie les a fait naître à telle époque, à tel endroit, dans telle famille. Pianiste, interprète, multi-instrumentiste, compositeur, réalisateur, il nait en 1975 dans une famille d’artistes cubains à La Havane (sa mère, Mercedes Cortes Alfaro, était danseuse au légendaire Tropicana Club et réputée pour son talent de chanteuse de Bolero dans tout Cuba ; son père, Roberto Fonseca Senior, était lui-même batteur).
Le mystère n’en demeure pas pour tant exempt, car si l’inné reste déterminant dans sa carrière, le doigté du pianiste ne dépend pas seulement de la forme de la main, et son génie de ceux qui ont contribué à le façonner.
Le prodige fait sa première grande apparition à l’âge de 15 ans au Festival de Jazz de La Havane (dont il tiendra 26 ans plus tard les rennes en tant que premier directeur artistique ainsi successeur du grand Chucho Valdés). Roberto ouvre déjà les possibilités d’un désenclavement de la musique cubaine avec toutfois le souci de rester fidèle à son héritage, en intégrant le très réputé Instituto Superior de Arte pour un Master en composition. Après une tournée en Italie, il enregistre son premier album solo Tiene que ver, puis intègre en 2001 le Buena Vista Social Club, dont il devient le junior, virtuose et farceur. Ce feu lui fera pour la première fois parcourir le globe à un rythme effréné, aux côtés de la légende Ibrahim Ferrer et de l’éternelle diva Omara Portuondo.
Vouloir retracer la vie de Roberto et en comprendre le parcours, c’est comme vouloir disséquer sa musique et expliquer ses magistrales improvisations. Roberto est bien à l’image de ses compositions : s’y pencher c’est s’y perdre dans une inépuisable cohérence, où chaque projet prend son sens. Ses diverses collaborations en sont la preuve : Gilles Peterson au UK – DJ très influent avec qui il travaille sur un album allant du reggaeton au hip-hop en passant par l’afro-jazz ; Joe Claussell, grand DJ et producteur américain avec qui il enflammera La Cigale à Paris ; Baba Sissoko et surtout Fatoumata Diawara en Afrique, une rencontre phare, en témoignera leur album live commun At Home, sorti en 2015, produit au festival Jazz in Marciac ; son album No Limit, AfroCuban Jazz enregistré au Japon, suivi immédiatement par l’album Elengó, mélange de rythmes afro-cubains, hip-hop et drum’n’bass.
Puis Yo, nommé en 2012 aux Grammy Awards, album sur-vitaminé réunissant quinze musiciens de Cuba, d’Afrique et des États-Unis ; 7 Rayos la même année, fusion de sonorités cubaines et musique classique, instruments d’Afrique de l’Ouest, musique électronique et poésie rythmique déclamée en slam. ABUC, l’album d’une rétrospective, où le passé inclut magistralement le futur, réinvestissant l’héritage de la musique cubaine dans une forme audacieuse et contemporaine. Enfin en 2019, il collabore avec Ibrahim Maalouf et la star montante du rap cubain Danay Suárez sur son album Yesun.
À 45 ans seulement, il ne compte pas moins de 9 albums en solo, plus d’une vingtaine d’albums en collaboration, une nomination aux Grammy Awards, tout cela couronné par le titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2019.
Cette année et à l’apogée de sa carrière, Roberto Fonseca dévoile La Gran Diversión. Un hommage à l’âge d’or de la musique cubaine, aux nuits de danse endiablées de La Havane, ainsi qu’à la Cabane Cubaine, le plus réputé des cabarets de Paris dans les années 30. Cet album, comme le live qui l’accompagne, constituent une expérience inédite : l’audace de Fonseca associé à un orchestre digne du Buena Vista. Un subtil mélange de traditions issues de sa formation auprès des plus grands, de son incomparable talent, et d’une modernité folle. Qu’on connaisse ou non les pas du mambo, de la rumba ou du bolero, l’envie de se déhancher sur les mélodies de celui qui est aujourd’hui considéré comme l’incarnation du renouveau de la musique cubaine risque d’être irrépressible.
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